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mercredi 11 décembre 2013

Colloque jeudi prochain à Tizi-Ouzou sur l’opération « Oiseau bleu » | Tamurt.info - Votre lien avec la Kabylie


Guerre d’indépendance de l’Algérie
Colloque jeudi prochain à Tizi-Ouzou sur l’opération « Oiseau bleu »

De Tizi-Ouzou, Saïd Tissegouine

Du côté algérien, l’opération « l’Oiseau Bleu » ne figure même dans les manuels scolaires. Autant dire alors que même nos universitaires ne maîtrisent pas comme il se doit, voire pas du tout, ce dossier. C’est dans cette quête de vérité et la réhabilitation de cette opération historique que l’Union Nationale de la Jeunesse Algérienne (UNJA), Secrétariat de wilaya de Tizi-Ouzou que préside M. Saâdi Si M’hidine, a programmé un colloque autour de ce thème pour la journée de jeudi prochain à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou.
11/12/2013 - 00:10 mis a jour le 10/12/2013 - 22:18 par Saïd Tissegouine

Cinquante-huit (58) ans nous séparent de la célébrissime opération militaire menée en Kabylie connue sous l’identité baptismale « l’Oiseau Bleu ». Est-ce pour autant cependant que Français et Algériens, les jeunes notamment, connaissent comme il se doit cet événement historique dégageant une odeur amère pour l’armée française et une senteur de « jasmin » pour l’armée algérienne, héritière de l’ALN-FLN ? Assurément non puisque de l’autre côté de la Méditerranée, même les intellectuels, y compris ceux ayant évolué dans les rangs de l’armée et vécu cette période, s’opposent des thèses et des analyses.

Normal dans la mesure où l’armée française, à l’instar de toutes les armées du monde, n’ouvre pas les grandes portes à ses salles d’archives. C’est pourquoi, les travaux des chercheurs et spécialistes de la guerre d’Algérie, notamment ceux consacrés aux raisons du camouflet subi par l’armée française lors de cette opération, sont en quelque sorte pusillanimes.

Du côté algérien, l’opération « l’Oiseau Bleu » ne figure même dans les manuels scolaires. Autant dire alors que même nos universitaires ne maîtrisent pas comme il se doit, voire pas du tout, ce dossier. C’est dans cette quête de vérité et la réhabilitation de cette opération historique que l’Union Nationale de la Jeunesse Algérienne (UNJA), Secrétariat de wilaya de Tizi-Ouzou que préside M. Saâdi Si M’hidine, a programmé un colloque autour de ce thème pour la journée de jeudi prochain à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou.

Au programme, il y aura des communications, un film documentaire sur « l’Oiseau Bleu » réalisé par Mme Razika Mokrani, des témoignages de ceux qui ont vécu cette opération, une exposition de photos et autres documents d’archives ainsi que des éléments matériels et immatériels ayant directement trait à cette page d’histoire de la guerre d’indépendance du pays.

Selon le secrétaire général de wilaya UNJA, seuls 05 Moudjahidine ayant vécu cet événement sont encore de ce monde lesquels sont invités à prendre part à cette manifestation scientifique en leur qualité de témoins privilégiés. Et en attendant la tenue de ce colloque lequel s’annonce à coup sûr prometteur, nous jugeons utile de reproduire certains écrits produits par des plumes d’outre-mer sur « l’Oiseau Bleu ».

« L’opération Oiseau bleu, ou la « Force K », écrit une plume française, fut mise par le SDECE (services secrets français) en 1956, deuxième année de la guerre d’Algérie. Le projet, élaboré semble-t-il à la fin de 1955 au niveau du Gouvernement Général d’Algérie puis de les transformer en commandos clandestins, opérant avec des tenus et des armes analogues à celles de l’ALN, le bras armé du FLN, et chargés de mettre en œuvre un véritable « contre-maquis » en Kabylie baptisé « Oiseau bleu » ou « Force K » comme « Kabyle ».

Soldée par un cuisant échec, mieux, par un total retournement puisqu’elle approvisionnera le FLN en armes, hommes et fonds. Cette opération, longtemps tenue au secret, est encore largement ignorée des historiens et des opinions française et algérienne…. ». « C’est en Indochine que les Français, l’auteur de ces révélations, avaient eu pour la première fois l’idée d’utiliser à leur profit les rivalités séculaires entre les différents groupes ethniques et plus précisément celles opposant les minorités et les sectes Annamites parmi lesquelles se recrutaient les principaux membres du Viêt-Minh. Au printemps I956, ce procédé est repris en Algérie, notamment en Kabylie, zone traditionnellement réputée hostile aux Arabophones. Au cours de l’été 1955, la rébellion FLN, conduite en Kabylie par Krim Belkacem et Saïd Mohammedi, devient de plus en plus active… ».
Sur le plan organisationnel, la plume française écrit : « D’abord sollicité pour la prise en charge d’une opération qui aurait pour but la constitution d’un « contre-maquis » en Kabylie maritime, le Service Action du SDECE se récuse, répugnant à s’engager dans une affaire initiée par d’autres et qui, par ailleurs, ne paraît pas bénéficier d’une discrétion suffisante. Le Gouverneur général, Jacques Soustelle, par son conseiller, Eydoux, et le directeur de la police d’Alger, Pontal, obtient du général Lorillot, commandant de la 10e Région militaire et son 2° Bureau, un accord pour le montage de « contre-maquis » en Kabylie Maritime. Le capitaine Benedetti du Service de Renseignement Opérationnel en sera le correspondant.
Décidée dans le courant de 1955, l’opération « Oiseau bleu » et ensuite « Force K » comme deuxième nom sera poursuivie par le Gouverneur Lacoste qui succède à Soustelle. Il est demandé au capitaine Camous de superviser les détails pratique de l’opération. Ce dernier, avec la méfiance qui convient, fruit d’une longue expérience des missions spéciales, laisse d’abord agir les services de police, manipulateurs de l’agent infiltré, véritable clé du système. L’inspecteur de la DST Ousmeur, lui-même d’origine kabyle, sur l’ordre de sa hiérarchie, entre en contact avec Tahar Hachiche, un de ses « obligés » d’Azazga ? Ce dernier accepte facilement l’idée d’aider à la constitution d’un maquis ani-FLN dans cette région où les partisans du MNA sont nombreux. Il s’ouvre de ces propositions à Ahmed Zaïdat, aubergiste-épicier, bien introduit auprès de la population. Apparemment intéressé, ce dernier se garde bien de révéler qu’il occupe des fonctions dans la structure FLN, se contentant de demander un bref délai de réflexion. En fait, il compte à son ami, le garagiste Mohamed Yazouren, ami de Saïd Mohammedi, lequel encouragea Krim Belkacem réticent au début. Ils lui confièrent l’organisation et la responsabilité de la manœuvre. Sur le terrain, en particulier à Iflissen, Omar Toumi se chargea du recrutement, et Mehlal Saïd est chargé du recrutement au niveau de la région d’Azazga (une stèle est érigée à Azazga en l’honneur de Mehlal Saïd et Zaïdat Ahmed pour leur contribution dans l’opération « Oiseau bleu »). Toumi a toute la confiance du capitaine Maublanc qui commande la Compagnie du 15° BCA, responsable du secteur .
L’accord de Zaïdet obtenu, Hachiche réclame les armes et les fonds promis. Alger s’exécute aussitôt. La camionnette qui livre le journal l’Echo d’Alger apporte les premières armes (des mousquetons, des Garand, des Stein, des fusils de chasse), les munitions correspondantes et 2 millions de francs. Ainsi, 200 armes de guerre sont livrées en janvier 1956, 80 en février-mars. Les fonds attribués par le Gouverneur Général s’élèvent à 9 millions de francs par mois ».
S’agissant du déroulement de l’opération « Oiseau bleu », l’historiographe écrit : « C’est le 15° BCA qui doit aider les hommes de la « Force K » qui sont lancés sur le terrain dès le début du mois d’avril 1956. Les premières semaines sont excellentes : les hommes du 15° BCA découvrent de nombreux cadavres de rebelles abattus lors de combats contre le FLN. Cependant, l’identité des hommes abattus est toujours invérifiable. Devant ce succès, l’armée continue à fournir : armes, munitions, matériel et argent au groupe kabyle qui fait du « bon travail ». On s’inquiète pourtant de temps lorsque on découvre que des anciens combattants, des partenaires de la France ou des gardes champêtres sont assassinés. Mais le FLN est présent ! Le capitaine Camous ne semble pas satisfait car il ne peut contrôler la « Force K » comme prévu . Dans son rapport, il mentionne trois faits troublants :
I-Il n’y a jamais de blessés ni de morts dans les rangs,
2-Les hommes qui sont abattus sont toujours des membres du MNA ou des personnes pro-françaises,
3-Les chefs de la « Force K » exigent toujours plus d’armes et de munitions.

Il alerte le général Lorillot qui obtient l’arrêt des livraisons d’armes et la constitution d’un commando chargé de suivre l’action de la « Force K » sur le terrain. Ce commando sera dirigé par le capitaine Hentic. Il comprend un adjoint, le lieutenant d’Hauteville, quatre sous-officiers et 25 hommes. Le groupe s’installe à Tigzirt. Les premiers contacts entre les chefs de la « Force K » et le commando manquent de cordialité. Les renseignements fournis par Tahar Hachiche sont toujours anciens. La liste des combattants de la « Force K » montre que ce ne sont pas des noms kabyles. Au cours d’un accrochage, le commando tue un rebelle. Dans les papiers du mort, on découvre une photo où l’on voit le rebelle poser avec des membres de la « Force K ». D’autres rebelles tués étaient armés de fusils remis à ce même groupe. Plus grave, une embuscade est tendue à Timerzouguène à un groupe de chasseurs. Dix hommes sont tués et leurs armes disparaissent. Une autre fois, le 1er octobre I956, au douar d’Iflissen, un groupe de la « Force K » appelle à l’aide la 2° compagnie du 15° BCA. Cette dernière tombe dans une embuscade. Deux hommes sont tués et six sont blessés. Le capitaine Hentic découvre avec stupéfaction que les hommes recrutés ont été rapidement coiffés par le FLN qui profitait, grâce à la « Force K » de la naïveté des Français. Le FLN a donc pu recevoir des armes de guerre qui lui ont servi à exécuter leurs rivaux du MNA et tout le personnel pro-français dont les cadavres, après mise en scène macabre, étaient présentés comme des maquisards du FLN.
L’armée française se rend enfin compte qu’elle a été bernée. Krim Belkacem demande à ses hommes de rejoindre les maquis FLN avec armes et bagages. Ainsi, Mehalal Saïd, Zaïdet Ahmed, Makhlouf Saïd et Hammadi réussissent à rejoindre l’ALN et Omar Toumi tombe au champ d’honneur à Iflissen. Krim Belkacem écrit une lettre au Gouvernement Général :
« Monsieur le Ministre, Vous avez cru introduire, avec la « Force K » un cheval de Troie au sein de la résistance algérienne. Vous vous êtes trompé. Ceux que vous avez pris pour des traîtres à la patrie algérienne étaient de purs patriotes qui n’ont jamais cessé de lutter pour l’indépendance de leur pays et contre le colonialisme. Nous vous remercions de nous avoir procuré des armes qui nous serviront à libérer notre pays. »

L’aventure de la « Force K » est terminée. Cette opération est un échec indéniable et une humiliation pour l’armée française, dû au départ, à une erreur du jugement des initiateurs qui ont, certes avec imagination, mais sans respect des règles de sécurité, bâti une entreprise qui, par la suite, a été insuffisamment suivie par des militaires sans compétence sur le sujet ».

Telle a été l’opération « Oiseau bleu » ou du moins selon certains dires des Français. Bien sûr, l’armée française, éclaboussée dans sa réputation par cette affaire, et à l’instar des armées du monde où l’honneur se lave d’une façon ou d’une autre et quel qu’en soit le prix, a eu sa revanche en intoxiquant l’ALN avec l’opération la « Bleuite ». La « Beuite », comme le dira plus tard le général à la retraite, Khaled Nezzar, a fait des dégâts considérables dans les rangs de l’ALN. Beaucoup de vaillants et honnêtes combattants de l’ALN ont passé à la trappe. Mais quelle est donc cette guerre où l’on ne commet pas des erreurs ?