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jeudi 30 mai 2013

Procès Amina, la Femen tunisienne: son père se dit « fier de sa fille » qui commet peut-être «des actes démesurés» mais qui au moins «défend ses idées».

Procès Amina, la Femen tunisienne: son père se dit « fier de sa fille » qui commet peut-être «des actes démesurés» mais qui au moins «défend ses idées».

30/05/2013 - 19:35

KAIROUAN (SIWEL) — La Femen Tunisienne Amina Sboui, âgée de 18 ans, a été arrêtée ce 19 mai à Kairouan après avoir tagué le mot « Femen » sur un muret proche du cimetière de la grande mosquée. Son procès s'est ouvert aujourd’hui dans un climat houleux à Kairouan, la « ville garnison » des débuts de la conquête islamique en Afrique du Nord. Tandis que les démocrates tunisiens se murent dans un silence coupable, le père d’Amina, outré par tant d’intolérance, s’est déclaré « fier de sa fille qui commet peut-être des actes démesurés mais défend ses idées »


le procès d'Amina, jeune Femen Tunisienne, s'est ouvert aujourd'hui à Kairouan, symbole de la conquête arabo-islamique de l'Afrique du Nord. (PH/DR)
le procès d'Amina, jeune Femen Tunisienne, s'est ouvert aujourd'hui à Kairouan, symbole de la conquête arabo-islamique de l'Afrique du Nord. (PH/DR)
Officiellement, Amina est poursuivie pour le port prohibé d'un spray lacrymogène mais elle sera probablement jugée pour « profanation de cimetière » pour avoir écrit le mot Femen sur un muret. Elle risque entre six mois et cinq ans de prison. 

En soutien à leur camarade tunisienne, trois militantes de Femen, 2 françaises et 1 allemande, sont allées protester devant le tribunal de Tunis. Elles ont été embarquées et déférées devant le parquet de Tunis pendant qu’Amina se présentait devant le tribunal de Kairouan sous les copieuses insultes de dizaines de personnes soutenus par des «magistrats» de kairouan qui demandaient à participer au procès en tant que…partie civile.

Hormis quelques démocrates qui pourraient bien êtres qualifiés de « radicaux », dont la réalisatrice Nadia Fani, l’écrasante majorité des démocrates tunisiens restent silencieux et se dérobent face à l’insistance gênante de certains journalistes qui leur demandent pourquoi ils ne soutiennent pas la jeune Amina, ne serait-ce que dans le cadre de la liberté d’expression qu’ils défendent pourtant. 

Il faut dire qu’avec l’affaire de « Kairouan », les choses se sont encore aggravées pour la jeune Femen tunisienne. En effet, Amina a choisi la ville la plus conservatrice de Tunisie : Kairouan, dont le nom signifie « campement » en arabe est le symbole de la conquête islamique de l’Afrique du Nord. Elle a été fondée vers 670, au début de la conquête arabe menée par Oqba Ibn Nafaa. Ce n’est donc pas un hasard si Kairouan a été choisie par Amina, tout comme ce n’est pas un hasard si les salafistes tunisien du groupe « Ansar al-Charia » prévoyaient justement de d’y tenir leur congrès annuel, finalement interdite par le gouvernement islamiste d’Enahda débordé par la violence trop ostentatoire de ses alliées. 

Mais avant l'affaire « Kairouan », Amina avait déjà défrayé la chronique tunisienne en publiant sur les réseaux sociaux des photos d’elle, poitrine nue. Elle avait reçut des dizaines de menaces et une partie de sa famille, essentiellement sa mère et son cousin, l'avaient qualifiée de « dépressive », voire de « déséquilibrée psychiatrique » pour justifier son acte jugé démesuré. Sa mère avait déclarée que sa fille « n'avait pas atteint la maturité nécessaire pour mesurer ses actes », « surtout avec ses troubles psychiatriques…». 

Amina n’a pas été non plus soutenue par les démocrates tunisiens. Ses seuls soutien sont venus de ses camarades Femen et, fait assez insolite dans les sociétés à dominante musulmane, par son père qui, outré par la vague d'intolérance qui s’est abattu sur sa fille, a déclaré être «fier de sa fille » qui commet peut-être «des actes démesurés» mais qui au moins «défend ses idées». 

Malgré l’opposition toute relative des démocrates tunisiens au radicalisme salafiste, la société tunisienne reste néanmoins conservatrice et les démocrates tunisiens ont beaucoup de mal à assumer un soutien à la jeune tunisienne qui a osé, seule, défier la terreur islamiste. Les « démocrates » tunisiens auraient au moins pu exiger des comptes sur l’enquête de la justice tunisienne, tenue par les islamistes d’Enahda, sur l’affaire des tombes juives profanées il y quelques mois à Souss. Mais non, l’affaire est oubliée, tandis qu’Amina continue de défrayer la chronique tunisienne pour avoir provoqué la léthargie tunisienne avec sa poitrine nue et pour avoir tagué, avec le mot «Femen» un muret à proximité d’un cimetière mais c’est elle qui est poursuivie pour « profanation de cimetière ». 

L’arrivée au pouvoir des islamistes d’Enahada « démocratiquement élus », comme le fut d’ailleurs Hitler dans son triste temps, a finit d’achever les aspirations démocratiques de la « révolution du jasmin » balayée par le «printemps arabe» comme cela a été magistralement illustré par l’incroyable affaire de Meriem Ben Mohamed, la jeune tunisienne poursuivie pour « attentat à la pudeur après avoir été violée par deux agent de l’ordre public… 


zp, 
SIWEL 301935 MAI 13 

Armée, islamisme et Bouteflika : bienvenue chez les Borgia

Armée, islamisme et Bouteflika : bienvenue chez les Borgia

LE MONDE |  • Mis à jour le 
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Boualem Sansal (Ecrivain)Le président algérien, hospitalisé depuis le 27 avril au Val-de-Grâce, a été transféré "dans un autre établissement afin d'y poursuivre sa convalescence".

Franchement, je ne suis pas particulièrement excité à l'idée d'écrire un papier sur l'Algérie. Il ne se passe rien dans le pays, je veux dire de neuf, de piquant, quelque chose qui date de ce siècle, qui interroge l'avenir et fait vibrer les jeunes. Des articles pour dire qu'il ne se passe rien de neuf, j'en ai écrit des tas ces douze dernières années, ils n'ont jamais rien appris à personne. Toujours les mêmes vieilleries, du réchauffé, des rumeurs de harem, les sempiternels trucages, des rodomontades d'anciens combattants, des discours creux, des successions poussiéreuses entre vieux de la vieille. Pff, c'est ennuyeux àmourir. Je voudrais pouvoir parler de choses belles et neuves, mais ça n'existe pas, ça me rend triste.

Il y a trois raisons à cette misère lancinante : l'armée, l'islamisme et Bouteflika. Il faut les voirun à un et les considérer ensemble dans leur relation intime. Nocifs, ils le sont pareillement, mais leur rapprochement est atomique, c'est la réaction en chaîne, l'apothéose du "Mal", et une radioactivité installée pour des siècles. Cela, chacun le sait, depuis toujours. Je l'écrivais déjà en 2000. Je n'étais pas le premier. En 1964, deux années à peine après l'indépendance, Mohamed Boudiaf, opposant lumineux au régime noir d'Alger, réfugié au Maroc, publiait un livre, Où va l'Algérie ? (Editions Librairie de l'étoile), dans lequel précisément il s'interrogeait sur l'avenir du pays qui pourtant avait fait de la planification socialiste et de l'héroïsme au travail sa ligne de conduite. Il n'a rien vu de rassurant. Boudiaf est le premier révolutionnaire algérien : en 1954, il a créé le Front de libération nationale (FLN) et déclenché la lutte armée contre la France.
A l'indépendance, écoeuré par les agissements des nouveaux dirigeants de l'Algérie, enivrés par le pouvoir, il les dénonça et dut fuir à l'étranger pour échapper à leurs tueurs. Ils le rattrapèrent trente-huit ans plus tard, l'attirèrent dans un guet-apens et l'assassinèrent d'une rafale dans le dos, sous le regard effaré du public et des caméras. C'était le 29 juin 1992, il avait 73 ans. Crime parfait, on connaît les assassins, trois généraux, on sait où ils habitent, où ils travaillent, mais aucune justice ne peut les atteindre. Même le diable a peur d'eux.
Ces messieurs ont vieilli, ils ont tous le cancer et des cirrhoses carabinées, mais leurs enfants sont là, beaux, brillants, polyglottes, efficaces comme des managers de multinationale, ils trafiquent avec le monde entier ; ces dernières années ils le font avec les Chinois, les Russes, les hindous, les Turcs, et l'incontournable Dubaï. On travaille en confiance avec eux, ils ne collaborent jamais avec la justice internationale. L'argent, ils le gagnent là mais le dépensent en Occident, où la démocratie sait protéger les riches et les voleurs. Ils y retrouvent leurs copains, les fils de dictateurs, les Kadhafi, les Moubarak, les Trabelsi, les Wade, les Bongo... avec qui ils font du business et prennent du bon temps dans les boîtes à la mode. Pour eux, le pays de papa n'est qu'une planche à billets.
MASSACRES AVEUGLES
Après dix années de terrorisme et de massacres aveugles, les islamistes ont compris le sens de l'histoire, ils ont abandonné les maquis des montagnes et intégré les maquis des villes. Ils ont pignon sur rue, ils tiennent la quasi-totalité du commerce de gros et demi-gros. Voici le deal que les généraux ont conclu avec eux avant de signerla loi d'amnistie générale, appelée "réconciliation nationale" : les généraux tiennent le haut bout de la chaîne de l'argent – ils contrôlent la Sonatrach, les banques, décident la politique économique du pays, imposent les modalités budgétaires, fiscales et autres. Ainsi, ils connaissent d'avance ce qu'ils vont gagner et ce que le peuple vaperdre ; les barbus tiennent l'autre bout de la chaîne, ils réceptionnent les conteneurs des généraux, répartissent la cargaison entre leurs émirs et leurs troupes. Avec les miettes, ils dotent les mosquées et aident les pauvres à survivre. En plus d'une portion de la rente, ils ont aussi leur quota de ministres, députés, sénateurs, ambassadeurs, hauts fonctionnaires. De cette façon, ils font le lien avec l'internationale islamiste pour leur compte et pour le compte des têtes pensantes de la junte militaire.
Et tout là-haut, replié en son palais blockhaus, imprévisible et redoutable, il y a Bouteflika. Sa maladie mystérieuse et son air hagard ajoutent à la menace. En fait il faut dire "les Bouteflika". Abdelaziz n'est rien sans sa fratrie autour de lui. C'est un peu les Borgia, ces gens, en plus fort. Le plus efficace est le cadet, Saïd, un génie de l'intrigue. Il n'a pas de fonction officielle mais il décide tout, surveille tout. On dit qu'il est féroce. Les ministres pissent dans leur froc quand il les convoque. Les généraux le détestent, un jour ils le tueront.
Dès qu'Abdelaziz rendra l'âme, Saïd le suivra dans la tombe. Les dossiers qu'il a constitués ne l'aideront pas, la justice les réfutera. Le président, qui a l'esprit dynastique, lui a confectionné un puissant parti pour le soutenir, dirigé par des apparatchiks capables de faire élire n'importe qui à n'importe quel poste ; ils feront barrage contre les généraux et les islamistes, mais au final ils trahiront, c'est la règle. Le pauvre Saïd aura du mal, voler dans l'ombre du frère président est une chose, voler de ses ailes sans bouclier ni parachute en est une autre. En attendant, tout ce beau monde amasse de l'argent par camions, c'est le carburant des guerres à venir. Grâce à Dieu, le prix du baril tient la cote, l'argent coule à flots, la réserve déborde de partout. Jusque-là, il a permis une cohabitation acceptable, personne n'est vraiment lésé, les milliards qu'on nous chaparde le matin, on les refait l'après-midi. Et voilà, nous avons tous les éléments de la pièce qui va se jouer dès l'annonce de la mort d'Abdelaziz Bouteflika : les acteurs, l'intrigue, le décor, les figurants. Il y a les parrains des uns et des autres, français, américains, russes, saoudiens, qataris, mais on ne les voit pas, ils sont derrière le rideau.
En vérité, la pièce est écrite depuis longtemps et se joue déjà dans les coulisses, les trois coups ont été frappés à l'instant où Bouteflika a été évacué à Paris, dans son hôpital préféré du Val-de-Grâce. Ombres, murmures et courants d'air. On pourrait se poser les questions qu'on se pose depuis le premier putsch en 1962, mais cela sert-il ? Nous recevrons les mêmes fausses réponses. Bouteflika mort, l'armée fera le ménage et adoubera Tartempion VI. Le roi est mort, vive le roi et Allah est grand.

Lire le débat : Algérie : comment préparer l'après-Bouteflika ? avec les contributions de Luis Martinez, directeur de recherche au CERI-Sciences Po ; Mansouria Mokhefi, historienne, responsable du programme Moyen-Orient Maghreb à l'Ifri ; Boualem Sansal, écrivain ;Mohamed Chafik Mesbah, politologue, officiersupérieur, en retraite, de l'Armée nationale populaire et des proches des moines de Tibéhirine, des historiens, des politiques.