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dimanche 26 mai 2013

Hommage à Tahar Djaout | Tamurt.info - Votre lien avec la Kabylie

Maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Wezzu :

Hommage à Tahar Djaout

De Tizi-Wezzu, Saïd Tissegouine
Le rappel du parcours littéraire, journalistique, poétique et intellectuel de l’auteur du célèbre dixit « la famille qui avance et la famille qui recule » a été traduit, hier, par deux principales actions.
26/05/2013 - 18:47 mis a jour le 26/05/2013 - 18:54 par Saïd Tissegouine
Conformément à ses missions scientifiques et culturelles, la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Wezzu a organisé une manifestation de deux jours, à savoir les 25 et 26 de ce mois, en guise d’hommage au célèbre écrivain et journaliste, Tahar Djaout, dont l’engagement intellectuel pour la cause juste lui a coûté la vie.
Le rappel du parcours littéraire, journalistique, poétique et intellectuel de l’auteur du célèbre dixit « la famille qui avance et la famille qui recule » a été traduit, hier, par deux principales actions.
La première : le déplacement dans la matinée à partir de Tizi-Wezzu-ville jusqu’à Oulkhou (Azeffoun) des manifestants pour se recueillir sur sa tombe.
La seconde : une riche exposition de documents concernant sa vie et son œuvre au niveau du grand hall de la maison de la culture. Il va sans dire que parmi cette riche documentation exposée figuraient aussi les propres écrits de Tahar Djaout. Parmi ceux-ci justement, le manifestant culturel et scientifique peut y trouver des livres tels que « les Vigiles », « les Chercheurs d’os », « les rets de l’oiseleur », « l’exproprié », etc.. Même un numéro de Ruptures a figuré sur le pupitre ayant servi de support d’exposition.
Sur un autre rayon, ce sont quelques poèmes du défunt qui ont fait l’objet d’une exposition. C’est le cas « Soleil bafoué », poème extrait de l’ouvrage poétique « l’Arche à vau-l’eau (1978) », « Saison tardive », « terre ferme », « Poème pour Nabiha », « Comme avant » sont des poèmes extraits de l’ouvrage intitulé « Pérenne (1983) ».
Sur un autre rayon, ce sont livres consacrés au journaliste-écrivain qui sont exposés. On peut y trouver effectivement « Tahar Djaout, fragments d’itinéraire journalistique », par Abdelkader Djeghloul, « Tahar Djaout, un écrivain pérenne », par Rachid Mokhtari, « Tahar Djaout, premiers pas journalistiques », par Youcef Mérahi.
Dans la cour de la maison de la culture, ce sont des citations de célèbres écrivains qui ont l’objet d’inscription sur des banderoles lesquels ont été proposés à l’oeil curieux et critique. En effet, en lisant avec attention on devine que feu Tahar Djaout les a non seulement lues mais s’en est aussi servies comme repères dans son parcours de plume. Entre autres de ces citations, on peut lire : «  Si l’on appelle écrivain un homme qui écrit, on appelle aujourd’hui un jeune écrivain qui a l’intention d’écrire (Alfred Capus) », « Le poète ne doit avoir qu’un modèle, la nature ; qu’un guide, la vérité (Victor Hugo) », « C’est ainsi que j’ai fait la connaissance avec le monde et le rêve. J’ai vu le juste et le méchant, le puissant et le faible, le rusé et le simple (Mouloud Feraoun) », « Un livre est outil de liberté (Jean Ghéhenno) ».
Biographie :
Tahar Djaout est né le 11 janvier 1954 à Oulkhou (Ighil Ibahriyen) près d’Azeffoun en Kabylie dont il fréquente l’école jusqu’en 1964. Sa famille s’installe ensuite à Alger.
En 1970, sa nouvelle « Les insoumis » reçoit une mention au Concours littéraire « Zone des tempêtes ». Il achève ses études l’année suivante au Lycée Okba d’Alger et obtient en 1974 une licence de mathématiques à l’Université d’Alger, où il s’est lié avec le poète Hamid Tibouchi.
Tahar Djaout écrit ses premières critiques pour le quotidien El Moudjahid, collabore régulièrement en 1976 et 1977 au supplément El Moudjahid Culturel puis, libéré en 1979 de ses obligations militaires, reprend ses chroniques dans El Moudjahid et se marie.
Responsable de 1980 à 1984 de la rubrique culturelle de l’hebdomadaire Algérie-Actualité, il y publie de nombreux articles sur les peintres et sculpteurs (Baya, Mohammed Khadda, Denis Martinez, Hamid Tibouchi, Mohamed Demagh) comme sur les écrivains algériens de langue française dont les noms et les œuvres se trouvent alors occultés, notamment Jean Amrouche, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Mohammed Dib, Rachid Bey, Jean Sénac, Bachir Hadj Ali, Hamid Tibouchi, Messaour Boulanouar, Youcef Sebti, Kamel Bencheikh, Abdelhamid Laghouati, Malek Alloula, Nabile Farès...
En 1985 Tahar Djaout reçoit une bourse pour poursuivre à Paris des études en Sciences de l’information et s’installe avec sa femme Ferroudja et ses filles dans un plus que modeste deux pièces aux Lilas. De retour à Alger en 1987, il reprend sa collaboration avec "Algérie-Actualité". Alors qu’il continue de travailler à mieux faire connaître les artistes algériens ou d’origine algérienne (par exemple Mohamed Aksouh, Choukri Mesli, Mokhtar Djaafer, Abderrahmane Ould Mohand ou Rachid Khimoune), les événements nationaux et internationaux le font bifurquer sur la voie des chroniques politiques.
Il quitte en 1992 Algérie-Actualité pour fonder avec quelques-uns de ses anciens compagnons, notamment Arezki Metref et Abdelkrim Djaad, son propre hebdomadaire : le premier numéro de Ruptures, dont il devient le directeur, paraît le 16 janvier 1993.
Victime d’un attentat islamiste organisé par le Front islamique du salut (FIS), le 26 mai 1993, alors que vient de paraître le n° 20 de son hebdomadaire et qu’il finalise le n° 22, Tahar Djaout meurt à Alger le 2 juin et est enterré le 4 juin dans son village natal d’Oulkhou.

BOUTEFLIKA, AIT AHMED ET LES OBSERVATEURS : longévité des uns, nihilisme des autres

BOUTEFLIKA, AIT AHMED ET LES OBSERVATEURS : longévité des uns, nihilisme des autres


En une semaine deux autres dirigeants, Bouteflika et Ait Ahmed, appartenant à l’ancienne classe politique, quittent la scène. Pour les mêmes raisons : la santé. Ce sont moins les deux événements , en vérité attendus, que les commentaires qu’ils ont suscités qui méritent attention.

Sous d’autres cieux, les médias se saisissent de pareilles circonstances pour prolonger l’information chaude par des investigations menées en profondeur afin de fouiller les parcours, en analyser les moments forts et en synthétiser les incidences; positives ou négatives. On a appris, par exemple, que l’agence de presse française AFP avait préparé une nécrologie de Bouteflika, sitôt ce dernier arrivé à Paris. Même pour un public étranger il y avait besoin de savoir dans quelles conditions le chef de l’Etat s’était engagé pendant la guerre, ce qu’il y avait fait, les causes qu’il avait défendues, les groupes qui l’ont soutenu ou protégé, comment est-il revenu aux affaires …Ce genre d’enquêtes invite le lecteur à affiner sa perception sur un personnage pour mieux comprendre comment ont été gâchées une quinzaine d’années au cours desquelles toutes les audaces étaient permises et autant de solutions possibles.

De la même façon, il était attendu de voir des papiers de rappel et, pourquoi pas, de jugement sur Ait Ahmed qui a commencé sa vie politique en dirigeant l’organisation spéciale, insurrection armée avant la lettre, pour faire ensuite le choix de l’exil volontaire et nourrir une surenchère d’autant plus vaine qu’elle s’accompagnait d’alliances scabreuses aussi bien avec les partis du pouvoir que l’islamisme le plus sanglant. Comment un homme dont la jeunesse a été habitée par une certaine linéarité et la radicalité a-t-il basculé, à mi-parcours, dans l’incohérence intellectuelle, la confusion conceptuelle et l’aventurisme politique ? Le dernieravatar étant de retenir pour son ultime congrès le slogan de « construction d’un consensus national » et de s’interdire d’inviter tout parti algérien.

Il y avait tant de choses à dire et écrire cette semaine. Pourtant, les articles, au besoin critiques, qui auraient pu aider le citoyen, notamment le jeune, à comprendre de quoi et comment a été fait son passé n’ont pas été produits. Il est intéressant de noter que ce sont souvent les commentaires des internautes qui recadrent les enjeux et non les professionnels de l’information. Poser la question du pourquoi de ce paradoxe est une façon de découvrir, par un autre biais, la vie publique algérienne.

En substance, les commentateurs se sont accordés à dire que la génération qui a participé à la guerre de libération n’a quitté la responsabilité que défaite par la violence ou trahie par l’âge. Pour beaucoup d’entre eux la chose n’est pas inexacte, même si on peut relever qu’en Algérie plus qu’ailleurs, la responsabilité, selon qu’elle soit exercée dans l’opposition ou dans le pouvoir, n’est pas de même nature, loin s’en faut.

Ce qui attise la curiosité dans les chroniques et autres narrations de cette semaine, c’est la tendance convenue qui extrapole un constat factuel exact - une génération qui s’est auto-légitimée n’est généralement sortie de la scène que sous la contrainte - à toutes les activités politiques quelles qu’en aient été les motivations, les accomplissements et les résultats de ceux qui les ont conduites.

On l’a déjà dit et redit, le pouvoir algérien a réussi à construire un conditionnement Pavlovien qui a déteint sur une bonne partie des analystes algériens. N‘ayant ni bilan à revendiquer ni projet àoffrir, les services spéciaux ont mis au point un système de défense qui consiste à enfermer tous les acteurs politiques dans la même nasse. « Nous ne sommes pas bons mais même ceux qui nous combattent sont constitués du même bois que nous ». Il n’y aurait donc, en Algérie, aucun référent, aucun acteur, aucune norme qui ait échappé à la doxa du PPA qui a aliéné l’engagement politique à l’égo.

La propagande des services de renseignement est-elle la seule explication à ces redondances qui s’en prennent à longueur de pages, et par principe, à toute forme de combat, faisant partager l’opportunisme du pouvoir à ceux qui, sur le terrain et au prix de leurs vies professionnelle et familiale voire de leur vie tout court, continuent d’honorer l’investissement politique qui en appelle à la conscience civique et au devoir patriotique ?

Tous ceux dont les raccourcis font écho à la doctrine du « tous les mêmes » sont-ils des agents patentés des services ? Certains, infiltrés dans la presse, en sont. D’autres, dont quelques-uns ont pâti et continuent de pâtir des sévices du régime, participent à la curée sans pour autant être des bénéficiaires directs de leurs incartades.

Pourquoi la moindre reconnaissance de ce qui, au jour d’aujourd’hui, relève de l’héroïsme, déchire-t-elle la bouche ou tord-elle la plume de nos observateurs ? Pourquoi les propositions des jeunes, miraculés d’un naufrage général, ne sont-elles même pas soumises à débat ?

Si ce qui s’écrit dans les medias de façon aussi unanimes sur l’ensemble des acteurs politiques de l’opposition avait quelque impact auprès des nouvelles générations, il n’y aurait pas, actuellement, de jeunes qui ferraillent dans le sud depuis des mois pour faire plier un pouvoir qui n’a lésiné sur aucun moyen pour infiltrer, corrompre ou réprimer un mouvement qui, pour l’instant, dure. Il n’y aurait pas, selon ces adeptes du nihilisme, de jeunes cadres politiques qui, puisant sur leurs deniers propres, sillonnent le pays pour exposer un projet de constitution alternatif inspiré des valeurs de novembre et de la Soummam. Il n’y aurait pas, non plus, en Algérie, de jeunes commis de l’Etat qui, jour après jour, travaillent dignement et refusent de se laisser intimider ou corrompre par des tutelles maffieuses, au risque de voir leur carrière brisée. Que dire alors des jeunes entrepreneurs, rares il est vrai, qui construisent et mènent laborieusement leur affaire, certains ayant même abandonné des situations enviables à l’étranger ?

Ces commentateurs, non recrutés formellement, qui étalonnent leur professionnalisme au nombre de ruades qu’ils assènent à l’opposition, cause un double problème. Dans certains cas, ils gâchent leur talent dans une aigreur suicidaire ; mais il y a pire. Tous trempent leur plume dans les concepts des officines qui définissent les normes catégorisant les « partis représentatifs » et « les partis sans ancrage », occultant, à leur tour, l’essentiel, c’est-à-dire le fait que ces derniers sont, pour ceux qui sont issus de luttes démocratiques, officiellement interdits d’antennes sur les medias publics et qu’ils sont systématiquement victimes de fraudes institutionnalisées…

Voici ce que l’on a pu lire cette semaine sur un site internet prétendant faire l’autopsie de la classe politique à l’occasion de la rocambolesque évacuation du chef de l’Etat vers Paris : « les partis de l’opposition, dont certains sans ancrages et sans poids politique réels,…occupent l’espace médiatique pour appliquer l’article 88. A contrario, le MPA d’A. Benyounes et le TAJ d’A. Ghoul se font les défenseurs de la version officielle… ». Les militants qui sont tabassés dans la rue et interdits de manifester dans leur pays ne valent pas mieux que des gredins qui transforment la responsabilité gouvernementale en pompe à aspirer commissions et détournements de biens publics. L’imposteur s’érige en juge.

Autre exemple tiré d’un titre de la presse écrite : « les chefs de partis politiques de l’Algérie « démocratique » (les guillemets sont dans le texte), même pour les plus insignifiants d’entre eux, ont à leur niveau, adopté cette culture autocratique qui s’est imposée au pays. » Emballé, vendu. Tous les dirigeants passés, actuels et à venir ne sauraient être que des zaïms plus ou moins bien maquillés.

Le manque de moyens qui permettrait au journaliste de bien mener ses investigations ne peut suffire à expliquer un acharnement à vouloir accompagner une stratégie qui, finalement, travaille à justifier le statu quo.

La reconnaissance de l’existence d’une opposition pérenne et insoumise est vécue en Algérie comme un rappel de positions dérangeantes qui peinent à être traduites dans les faits par d’autres corporations. Les disqualifier est une manière de se rassurer et, le cas échéant, de mieux vivre son renoncement. Ce ralliement non assumé au discours officiel n’a pas d’exemple en Tunisie, au Maroc ou en Egypte. Dans ces pays, les organes de presse, non assujettis aux pouvoirs en place, n’hésitent pas à saluer la moindre initiative de l’opposition, dès lors qu’elle est une réalité.

A suivre ces scribes du néant, la démocratie n’a connu aucune avancée dans le pays. Les droits de l’homme ont été inscrits dans l’agenda algérien par le hasard ou le bon vouloir du régime, la question amazigh est tombée du ciel, le pluralisme, ténu et formel il est vrai, n’a pas été le résultat de luttes et de sacrifices…Un combat et les causes qui l’inspirent ne sont respectables que quand ils sont au pouvoir. Selon ces interprétations, pendant la trentaine d’années où il se battait, souvent dans l’isolement, Mandela aurait défendu un projet…sans ancrage.

L’explication la plus charitable trouvée à cette démission morale doublée d’une régression professionnelle renvoie à une forme de paresse intellectuelle qui s’en remet à la commodité des raccourcis polémiques relayant implicitement l’équation officielle qui postule l’inexistence de militants œuvrant sur la base d’une conviction politique.

On aura compris qu’il n’a été ici question que des titres francophones, les medias arabophones revendiquant, pour l’heure, si l’on excepte des efforts de lucidité d’El Khabar, leurs missions de supports de la vérité du plus fort.

Et si finalement, une des distorsions de la vie publique algérienne venait de ce que la transition trans-générationnelle, initiée dans l’opposition politique, n’arrive pas à trouver sa projection dans la scène médiatique ?