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jeudi 7 février 2013

Messaoud Ouslimani, écrivain : « La liberté de culte fait partie de l'identité kabyle »

Messaoud Ouslimani, écrivain : « La liberté de culte fait partie de l'identité kabyle »

06/02/2013 - 16:20

PARIS (SIWEL) — Messaoud Ouslimani, médecin de formation, mais féru de la littérature. Écrivain et essayiste, avec "La vie dans la tourmente" et " La révolte des exclus" , édités en France, M. Ouslimani, expose la situation de la Kabylie depuis les années 20. Où il traite de la situation politique, économique et sociale. Dans cet entretien, il revient sur sa conception de la liberté, des religion, de la Kabylie et du pouvoir algérien.


M. Messaoud Ouslimani, écrivain kabyle. PH/DR
M. Messaoud Ouslimani, écrivain kabyle. PH/DR
Avant d'entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs?

M. Ouslimani : Je suis né à Bouadnane, village Ath Slimane. J'ai 68 ans, marié, 1 enfant. Je suis médecin radiologue exerçant en cabinet libéral en France.

Dans votre essai sur la Kabylie "La vie dans la tourmente", vous avez traité une période cruciale qui a marqué la Kabylie par une misère atroce, la soumission...De toute l'histoire de la Kabylie, pourquoi ce choix sur cette période précise?
La période où se passe le récit de "la vie dans la tourmente", est chargée de signes avant-coureurs annonçant la guerre contre le dernier occupant du pays, en l'occurrence la France...

C'est un témoignage poignant, que d'aucuns estiment que c'est à travers ces épisodes que la région a forgé sa personnalité. Est-il un récit de vie ou des histoires imaginaires mais qui s'inspirent d'une réalité tangible?
"La vie dans la tourmente" relate le quotidien d'un village de la Haute-Kabylie; l'histoire commence au début du vingtième siècle. La famine décime des villages. Cette histoire s'inspire de faits réels. Les habitants du village dont il est question ont vécu reclus sur eux-mêmes, s'entraidant pour faire face aux besoins les plus élémentaires et à la rigueur extrême du climat. J'ai vécu cette tourmente. J'ai marché pieds nus comme tant d'autres enfants, j'ai eu faim et froid ! La misère était le lot quotidien qui accompagnait la plupart des Kabyles de la Haute-Kabylie pendant toute leur existence. Cette époque a en effet forgé la personnalité du Kabyle qui a compris qu'en définitive, il ne peut compter que sur lui-même.

Ecrit dans un style assez accrocheur et souple, pourquoi les histoires narrées se terminent-elles d'une manière assez marquante qu'est la mort...
Par cette liste macabre, j'ai voulu signifier que la vie des personnages ne peut se terminer que dans la mort en l'absence de tout espoir. La misère côtoie la mort que l'on peut considérer comme une délivrance, dans ce contexte.

Dans votre roman, "La révolte des exclus", vous avez parlé de sujets politiques qui restent, au jour d'aujourd'hui, des éléments de débats. Pourquoi êtes-vous allé aux années 70 pour traiter d'une situation que l'on vit actuellement?
Le fait est que les problèmes que nous vivons actuellement sont déjà arrivés, de façon cyclique, avec quelques nuances dans la forme. Le mal qui ronge le pays n'ayant jamais été détruit, ses effets restent récurrents. Les années 70 représentent, à mon sens, une période charnière de la dérive de l'Algérie, qui s'est accentuée au fil des années. L'Algérie depuis cette période, a commencé à creuser sa tombe par une descente aux enfers. Les différentes décisions politiques prises sur des coups de tête, telle que la gestion socialiste des entreprises, la réforme agraire, la médecine gratuite, l'arabisation généralisée, commencèrent à montrer leurs limites. Entre-temps, la misère des populations s'est accentuée. Et les laissés-pour-compte devinrent un vivier inespéré pour les islamistes qui s'attelèrent à les embrigader pour en faire les fossoyeurs de leur propre pays. Certains citoyens, pour la plupart Kabyles, choisirent, dans la clandestinité, une autre religion que celle imposée par le pouvoir algérien -et qui avait existé en Afrique du Nord, bien avant l'islam-.

Les personnages choisis dans le roman partagent une certaine idée de la liberté malgré leur appartenance religieuse aussi différente les unes des autres, quelle est la relation entre la liberté de culte, le chômage, le poids des traditions sur la situation politique de la Kabylie?
La liberté de culte fait partie de l'identité kabyle. L'islam comme religion unique, a été imposé par le pouvoir arabo-islamique et propagé et protégé par certains Kabyles. Le choix d'une autre religion reflète un désir d'émancipation spirituelle. Le chômage est une conséquence de la mauvaise gestion des différents pouvoirs qui se sont succédé -sachant que le pays est très riche et que cela n'aurait pas dû arriver. Quand on ne s'aligne pas sur les diktats du pouvoir arabe et islamique, on est marginalisé! Bien des personnes ont été limogées de leur emploi car non-croyantes ou Kabyles. Certaines traditions kabyles, qui ont un lien avec l'islam, contribuent à freiner la marche vers l'émancipation de notre peuple. Autant de freins pour une politique de libération de la Kabylie...

Vous avez cerné la situation chaotique de la Kabylie, selon vous quelle voie de salut pour cette région?
L'Autonomie ! La Liberté

Vos livres seront-ils un jour chez les libraires en Algérie?
Je le souhaiterais.

aai
SIWEL 06 1620 fev13

Les étudiants demandent la suppression de l’arabe comme langue de formation | Tamurt.info - Votre lien avec la Kabylie

Faculté des sciences humaine de Tizi-Wezzu
Une situation catastrophique est dénoncée par les étudiants de la faculté qui réclament la suppression de la langue arabe comme langue de formation et qui ne correspond pas aux exigences de leur domaine.
07/02/2013 - 14:46 mis a jour le 07/02/2013 - 14:46 par Mohand T.

La situation au niveau de la faculté des sciences humaine de l’université Mulud Ath Mammar de la région de Tizi-Wezzu est en souffrance.
Une situation catastrophique est dénoncée par les étudiants de la faculté qui réclament la suppression de la langue arabe comme langue de formation et qui ne correspond pas aux exigences de leur domaine.
« Nous subissons un manque flagrant d’enseignants et la bibliothèque est presque vide », déplore un étudiant.
Les étudiants en grève ont fermé leur faculté depuis quatre semaines et réclament l’ouverture du master pour tous les étudiants titulaires d’une licence en communication, une formation dispensée intégralement en français, le recrutement d’enseignants supplémentaires pour parer au manque d’encadrement, l’acquisition d’ouvrages supplémentaires pour la bibliothèque et faire des travaux de réaménagements au niveau de la faculté, sont entre autres les revendications de ces étudiants.
Mohand.T

Au Mali, des siècles d'antagonismes

Au Mali, des siècles d'antagonismes

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Des soldats maliens, en mars 2012 à Bamako. L'antagonisme entre les populations du sud et du nord est autant inscrit dans l'espace que dans l'histoire des hommes.

Sédentaires contre nomades, agriculteurs contre commerçants, hommes noirs contre hommes à la peau claire... L'éternel antagonisme entre les populations du sud et du nord du Mali, plus vivace que jamais depuis la sécession de l'Azawad, proclamée le 6 avril 2012, et le lancement de l'opération militaire franco-malienne, le 11 janvier, est autant inscrit dans l'espace que dans l'histoire des hommes.

CURIEUX ASSEMBLAGE
Construction étatique née de l'époque coloniale, aux frontières dessinées et redessinées (la dernière fois en 1943) par les Français, le Mali apparaît de prime abord comme le curieux assemblage de deux mondes étrangers l'un à l'autre. Au sud, les héritiers des grands ensembles politiques ouest-africains : l'empire du Mali, l'empire Songhaï ou le royaume de Ségou, qui furent tous confrontés, à un moment ou un autre de leur histoire, aux incursions de guerriers et de commerçants maures, arabes ou touareg.
Quant aux habitants des deux tiers nord du pays, ils appartiennent à l'histoire du Sahara, de ses royaumes nomades et des grandes routes caravanières. La ville de Tombouctou, dont le prestige culturel et la réputation d'opulence sont difficiles à relier aux images de désolation qui en parviennent depuis des mois, en est sans doute la trace la plus brillante. Ses mausolées comme ses précieux manuscrits, placés sous la protection toute symbolique de l'Unesco, en sont la face lumineuse. Quant au souvenir de la traite négrière transsaharienne, dont la ville a été un des centres névralgiques pendant des siècles (plusieurs centaines de milliers de captifs originaires des régions subsahariennes ont transité par elle jusqu'à la fin du XIXe siècle), il en est la part maudite. Ainsi, si le nord et le sud du pays interagissent depuis des siècles, leurs relations ont rarement été pacifiques. Et la colonisation française n'a rien arrangé.
La colonisation du Sahara, menée durant les dernières années du XIXe siècle depuis le Sénégal vers l'est et officiellement entérinée à la Conférence de Berlin, en 1885, a conduit la France à administrer une immense étendue désertique. Elle ne fut parachevée qu'au début du XXe siècle : Tombouctou est prise en 1894 et ce n'est qu'en 1907 qu'on peut implanter un gouverneur militaire à Kidal, au coeur du pays touareg.
Les relations entre la puissance coloniale et les populations arabes, maures et touareg du Soudan français, bientôt incorporées dans l'Afrique occidentale française (AOF), resteront, jusqu'aux indépendances de 1960, très superficielles. Et elles ne seront pas exemptes d'un certain aveuglement romantique : le mythe de l'inflexible guerrier touareg, tenant d'idéaux disparus en Europe, fascinera des générations de militaires français, souvent eux-mêmes d'ascendance noble et nostalgiques d'un certain âge d'or aristocratique. Même les nombreux accrochages, comme le massacre de la mission Flatters par des Touareg, en 1881, ou les révoltes qui agiteront la région de manière sporadique durant toute la période, ne viendront pas à bout de cette sympathie initiale. Le souvenir émerveillé des récits de René Caillié, premier Occidental arrivé à Tombouctou en 1828, ou les travaux de Charles de Foucauld sur la culture touareg ont durablement marqué les mémoires.
Cette fascination n'alla pas sans effets pervers. "Comme ils admiraient leur culture, les coloniaux n'ont pas cherché à changer les Touareg", souligne l'historien Pierre Boilley, directeur du Centre d'études des mondes africains. Ce faisant, les colons ont créé des déséquilibres sociaux dont la région ne s'est jamais remise. De fait, si la France a construit de nombreuses écoles dans le sud du pays, elle s'est bornée à tracer quelques pistes dans le nord, et n'a commencé à corriger cette faiblesse qu'à la fin des années 1940, alors que la logique de la décolonisation commençait à s'imposer.
"ETHNIQUEMENT DIFFÉRENTS"
Ce processus a été l'occasion de nouvelles tensions entre le Nord et le Sud. La raison principale en est la tentative menée par Paris de détacher des régions sahariennes d'Algérie, du Soudan français, du Niger et du Tchad, réputées riches en minerais, pour créer une Organisation commune des régions sahariennes (OCRS) sous domination française. Au Mali, les populations du Nord, et surtout les Touareg, seront des soutiens enthousiastes de l'initiative : en 1958, dans une lettre adressée à Charles de Gaulle, des milliers de pétitionnaires réclameront leur détachement de la tutelle de Bamako, en s'affirmant "ethniquement différents". "Cet épisode est largement oublié en France, mais il est dans tous les esprits au Mali, et il a beaucoup nourri la haine des habitants du Sud contre ceux du Nord", souligne Pierre Boilley.
Les chefs successifs de l'Etat malien indépendant s'emploieront (du reste, avec un certain succès) à faire émerger les bases d'une culture nationale propre, notamment en exaltant le souvenir d'un empire du Mali dont les contours n'ont pas grand-chose à voir avec les frontières actuelles. Mais ils ne viendront pas à bout de cet antagonisme nourri par un climat de sécession larvée. Et la colère, palpable, des habitants du Sud contre les Touareg accusés d'avoir, en déclenchant la révolte de janvier 2012, ouvert la voie à la barbarie djihadiste, risque d'accroître encore le fossé entre les deux régions.

Analyse: " les frontières héritées de la colonisation pourront-elles encore résister longtemps ? "

Analyse: " les frontières héritées de la colonisation pourront-elles encore résister longtemps ? "

06/02/2013 - 17:10

PARIS (SIWEL) — Dans un entretien accordé au journal en ligne » Atlantico », Ferhat Mehenni, Président du gouvernement provisoire kabyle (GPK) et Bernard Lugan, professeur aux Ecoles militaires de Saint-Cyr, reviennent sur le tracé des frontières coloniales et les drames occasionnés par l’arbitraire de ces découpages, comme cela est notamment le cas au Mali, au Rwanda, en Côte d’Ivoire, en République Centrafricaine (RCA), au Liberia, en Sierra Leone, en République Démocratique du Congo


Les conflits actuels en Afrique prennent leur racine dans le découpage colonial(PH/DR/ Reuters)
Les conflits actuels en Afrique prennent leur racine dans le découpage colonial(PH/DR/ Reuters)
Dans cet entretien que nous publions dans son intégralité, Ferhat Mehenni et Bernard Lugan sont présenté comme suit :
Ferhat Mehanni est Algérien d’origine kabyle. Il est le fondateur du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK) et assume les fonctions de président du Gouvernement provisoire kabyle. Il a récemment publié Le siècle identitaire : la fin des Etats post-coloniaux aux éditions Michalon (2010).
Bernard Lugan est historien, spécialiste de l'Afrique.Il fut professeur à l'Université du Rwanda de 1972 à 1983. Il était maître de conférences hors classe à l'Université de Lyon III, où il assurait depuis 1984 différents cours autour de l'histoire de l'Afrique et de la francophonie. Il est aujourd'hui professeur aux Ecoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan.
Ci-après, l’entretien publié dans « atlantico »
Afrique ou Moyen-Orient : les frontières héritées de la colonisation pourront-elles encore résister longtemps ?
Les frontières des Etats africains sont pour la plupart un héritage de la colonisation et sont marquées par les intérêts de l'époque de chaque métropole. Dès lors, sont-elles aujourd'hui vouées à être redessinées ?

Atlantico : Les frontières qui délimitent la cinquantaine d’Etats africains ont pour la plupart été tracées lors de la conférence de Berlin en 1885 créant des nations où il n’en existait pas. Ces frontières ont pour le moment résisté mais le pourront-elles encore longtemps ?
Ferhat Mehinni : En 1885, la Conférence de Berlin avait établi des frontières entre les possessions territoriales des pays européens en Afrique. Les frontières actuelles des pays africains étaient décidées par chaque métropole en fonction de ses intérêts de l'époque. Pour certaines d'entre elles, ce n'est qu'à la veille de la décolonisation qu'elles ont été tracées de manière bâclée comme celles de la Mauritanie par exemple.
Pour la plupart, ces frontières ont tenu mais par le seul moyen de la dictature qui a fait florès au lendemain de la décolonisation. Car les menaces contre ces frontières viennent rarement des voisins mais de l'intérieur de chaque pays. En Algérie, dès 1963, soit un an seulement après la décolonisation, la Kabylie avait pris les armes pour son indépendance.

La mosaïque des peuples, qui compose chacun d'entre eux, les prédispose à l'éclatement. Cependant, malgré les dictatures quelques-unes de ces frontières ont déjà volé en éclats. En Somalie d'abord, puis au Maroc qui a "récupéré" l'ex Sahara espagnol ; ensuite l’Érythrée s'est détachée de l'Ethiopie. En juillet 2011, le Soudan Sud s'est séparé du Nord.

Aujourd'hui leur résistance est à bout. On peut les maintenir artificiellement pour un moment et contre le droit à la liberté des peuples comme le fait la France en Côte d'Ivoire et au Mali. Mais Cela n'ira plus bien loin. Ces frontières sont condamnées par la mondialisation et la poussée des peuples pour leur droit à l'existence. Le processus historique à l'oeuvre est inexorable et finira par donner droit à chaque peuple nié par ces frontières à disposer de lui-même.

Bernard Lugan : Je ne sais pas si certaines frontières résisteront encore longtemps. Je me borne à constater que bien des frontières africaines tracées en Europe à partir de cartes imprécises et parfois fausses, reposent comme le disait le gouverneur Hubert Deschamps sur "une abstraction géométrique ne tenant aucun compte des peuples". Ces découpages à la hache ont produit "une Gambie anglaise taillée dans les peuples wolof et mandingue accordés à la France. Les Evhé coupés en deux tronçons, anglais et allemand. De même les Pahouins entre le Kamerun et le Gabon ; les Bakongo entre la France, la Belgique et le Portugal ; les Ovambo entre le Portugal et l’Allemagne ; les Lunda entre Belges, Portugais et Anglais". Ce grand connaisseur de l’Afrique ajoutait "C’est le péché originel".
En quoi les conflits actuels prennent-ils leur racines dans ce découpage ?
Ferhat Mehenni : Les conflits actuels prennent leur racine dans le découpage colonial en ce sens que celui-ci était fait, volontairement ou non, sans tenir compte de la réalité des peuples qui composent chacun des pays. Prenez les Touaregs, par exemple, au lendemain des indépendances africaines des membres d'une même famille se retrouvent avec six nationalités différentes. Leur cas est similaire à celui des Kurdes répartis par le tracé colonial des frontières sur six pays. Les injustices de l'Histoire finissent toujours par remonter à la surface comme le fait l'huile sur de l'eau. La seule réparation à laquelle ils aspirent aujourd'hui est l'accession à leur propre Etat car le statut de minorité nationale leur est désormais inadmissible et insupportable.

Bernard Lugan : Les conflits africains prennent leurs racines dans ces charcutages moins parce qu’ils ont divisé certains peuples que parce qu’ils en ont forcé d’autres à vivre ensemble. L’exemple du Mali est emblématique à cet égard.
En effet, vainqueurs et vaincus, dominants et dominés, esclavagistes et razziés, nomades et sédentaires furent rassemblés dans les mêmes limites administratives. Après l’indépendance, les Touaregs qui refusaient d’être soumis aux sudistes se soulevèrent à maintes reprises. D’autant plus qu’en Afrique, la démocratie donnant le pouvoir aux plus nombreux, phénomène que j’ai baptisé du nom d’ethno-mathématique, ceux dont les femmes ont le ventre le plus fécond, l’emportent automatiquement sur les autres. Au Mali, les sudistes étant plus nombreux que les nordistes, ces derniers, en plus d’être forcés de vivre dans le même Etat que les premiers, sont condamnés à leur être politiquement soumis. D’où les révoltes continuelles.

Sommes-nous face à des conflits ethniques ou économiques propres à l’Afrique ou peut-on parler de conflits inhérents aux intérêts des anciennes puissances coloniales ?
Ferhat Mehenni : Les pays africains n'ont jamais réussi à réaliser une intégration économique régionale entre eux. Les rapports économiques restent sous domination essentielle des anciennes métropoles. Mais devant l'arrivée de la Chine, de l'Inde et des USA en Afrique, voire du Qatar et de l'Arabie Saoudite on peut être tenté de croire que les conflits actuels seraient motivés par une guerre économique que ces nouveaux venus livrent aux anciennes métropoles. Si cette guerre économique est une réalité, les conflits au Mali et en Côte d'Ivoire et bientôt sur l'ensemble du continent africain sont d'abord des conflits de peuples luttant pour leur liberté. Je sais qu'en Occident on désigne les peuples, pour en nier la réalité, par le mot ethnie.
Or c'est le combat de ces peuples, niés, pour leur reconnaissance et leur accession à l'indépendance qui constitue la réalité profonde de ces conflits. Que sur lui se greffent d'autres phénomènes est une évidence mais qui ne doit pas cacher cette raison essentielle que l'on peut résumer de manière schématique comme suit : la colonisation par les frontières qu'elle a tracées en Afrique a créé des Etats sans nation et dont la survie ne se réalise qu'au prix de la dictature maintenant des peuples sans Etat sous sa domination.


Bernard Lugan : Au Mali, le nuage islamiste dissipé, le réel réapparaît avec force. Contrairement à ce qui nous a été présenté, nous ne sommes pas face à une guerre de religion mais en présence d’un conflit ethnique et même racial, un conflit ancré dans la nuit des temps et sur lequel, avec un grand opportunisme, les islamistes tentèrent de s’insérer. Les explications économiques ne permettent pas d’appréhender le cœur du problème.
En 1964, l’Organisation de l'unité africaine (OUA) a choisi de décréter l’intangibilité des frontières. Était-ce la meilleure des solutions ou fallait-il envisager de redessiner les frontières héritées de l’époque coloniale comme le souhaitait à l’époque le groupe de Casablanca ?
Ferhat Mehenni : En 1964, l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) avait décidé de consacrer "le principe de l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation". Il y avait des raisons de croire que les conflits territoriaux entre voisins allaient être légion. Il n'en était rien. En dehors du conflit frontalier algéro-marocain en 1964, on assista rarement à des escarmouches entre voisins. Mais avec le temps ces frontières qu'on croyait être la solution deviennent le problème, non pas entre voisins mais des revendications territoriales et nationalistes sont nées à l'intérieur de chacun des pays en question.
Bernard Lugan : Ce principe a sauté en Erythrée, au Sud-Soudan et quasiment au Somaliland. Ceci étant, le problème doit être réglé au cas par cas et uniquement quand il se pose d’une manière ethno-historique légitime. C’est ainsi que dans les décennies à venir, il se posera au Nigeria, en République démocratique du Congo (RDC), dans une partie de la zone sahélienne et même en Afrique du Sud.
La question se pose-t-elle encore aujourd'hui ou faut-il envisager d'autres solutions ? Lesquelles ?
Ferhat Mehenni : A mon sens, la France se trompe de sens de l'Histoire en voulant maintenir coûte que coûte l'intégrité territoriale des pays issus de la colonisation. Quand la Côte d'Ivoire avait deux présidents, elle vivait en paix. Il y avait deux territoires séparés qu'il convenait de consacrer par de nouvelles frontières. Cette paix elle ne l'aura plus jamais dans ce pays comme au Mali dont il faut désormais parler au passé.
La vision d'hier imposant que l'on garantisse l'intégrité territoriale des Etats issus de la colonisation est de nos jours une grave entrave au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, à la liberté, à la démocratie et donc à la paix dans ces parties du monde. Par ailleurs, dans les pays où les haines entre peuples ne sont pas criantes, des solutions fédérales ou d'autonomie régionale peuvent être des solutions transitoires évitant des évolutions sanglantes et douloureuses. La France devrait avoir pour préoccupation non pas le maintien en vie d'Etats sans nation mais le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes comme le réclame la Kabylie. Cela réconciliera à coup sûr, la France autant avec ses valeurs qu'avec ses intérêts supérieurs.

Bernard Lugan : La question se pose dans les termes suivants : des peuples différents sont prisonniers d’Etats artificiels à l’intérieur desquels les plus nombreux sont démocratiquement assurés de détenir le pouvoir. Dans ces conditions, comment faire pour que les minoritaires ne soient pas colonisés par les majoritaires ? La réponse est simple : remplacer le suffrage universel individualiste basé sur le "one man, one vote", par le vote de groupe.
Or, comme aucun peuple majoritaire n’acceptera de renoncer à son avantage démographique, l’Afrique continuera donc à connaître des évènements dramatiques comme au Mali, au Rwanda, en Côte d’Ivoire, en République Centrafricaine (RCA), au Liberia, en Sierra Leone, en RDC et partout ailleurs car le réel africain qui est ethnique, donc communautaire, ne fait pas bon ménage avec la démocratie individualiste proposée comme modèle universel par les Européens.

Propos recueillis par Carole Dieterich

zp,
SIWEL 061710 FEV13

L'article depuis sa source:
http://www.atlantico.fr/decryptage/afrique-ou-moyen-orient-frontieres-heritees-colonisation-pourront-elles-encore-resister-longtemps-bernard-lugan-ferhat-mehenni-624754.html?page=0,0 http://www.atlantico.fr/decryptage/afrique-ou-moyen-orient-frontieres-heritees-colonisation-pourront-elles-encore-resister-longtemps-bernard-lugan-ferhat-mehenni-624754.html?page=0,0

Elections locales : entre la « fraude massive » et le « manque de crédibilité » d’après la commission Seddiki

Elections locales : entre la « fraude massive » et le « manque de crédibilité » d’après la commission Seddiki

Par | février 6, 2013 7:54
seddiki

La Commission nationale de surveillance des élections locales (Cnisel), présidée par Mohamed Seddiki vient de rendre public ce mercredi son rapport sur les élections locales du 29 novembre 2012. La première conclusion de la commission est que ce scrutin  « est truqué et manque de crédibilité ».
Le rapport de la Cnisel n’y va pas de main morte : trucage, fraude massive, manque de crédibilité, argent sale… Ce sont toutes ces remarques que la commission Seddiki a consignées dans son rapport sur la tenue du scrutin local du 29 novembre. Ces élections sont «dénuées de toute crédibilité», à cause d’une «fraude massive»,  a estimé la commission dans son rapport.
Dépassement en masse, argent sale, et vote des militaires : les plaies du scrutin
«Je vous dis que ces élections n’ont aucune crédibilité. Les mêmes partis politiques ont commis les mêmes erreurs et nous ne pouvons pas construire un pays avec des mensonges. Il faut dire la vérité», a déclaré Mohamed Seddiki le président de la Cnisel, qui a expliqué que 52 sortes de dépassements avaient été découvertes à travers toutes les wilayas du pays. La commission Seddiki est venue confirmer les nombreux soupçons déjà émis au lendemain des élections locales.
Parmi les nombreuses irrégularités soulignées par le rapport final, la commission considère que « l’argent sale a influé sur l’opération électorale » et que « l’administration a pris partie pour certaines formations politiques ». Le vote des militaires a été vivement critiqué dans le rapport. « Chaque militaire a eu trois à quatre procurations. Et cela influe négativement sur le résultat du scrutin », a précisé M. Seddiki. L’utilisation de noms de personnes décédées a également été confirmée. « On trouve des centaines de personnes décédés, mais qui font partie du corps électoral, dont la taille dépasse les 21 millions », a encore précisé le président de la Cnisel.
« On ne peut pas construire un pays et des institutions fortes avec des élections non crédibles »
«Ce rapport va rester pour l’histoire et pour l’avenir. Je ne crois pas que les pouvoirs publics ne vont pas prendre en considération son contenu, autrement, ce serait une volonté affichée de truquer les élections», et d’ajouter, «On ne peut plus continuer comme ça. On ne peut pas construire un pays et des institutions fortes avec des élections non crédibles». Le rapport de la Cnisel a été remis au président de la République et au ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, qui prendront les mesures qui leur semblent les plus appropriées.